Le Papé

L'air vibre sous un soleil de plomb, les cigales et criquets s'en donnent à cœur joie.

Le papé remonte lentement l'allée bordée de pêchers. Il s'arrête un instant, tire de sa poche son grand mouchoir à carreaux pour s'éponger le front sous le béret, puis reprend son chemin vers la vieille bâtisse de pierres blanches, Quelques tuiles sont tombées l'an passé.

« Bah ! Le petiot viendra bien me les remplacer avant la froidure » se dit le papé. Le petiot, c'est le gaillard de son grand couillon de fils. Rien que d'y penser, à son grand couillon de fils, ses moustaches frémissent. Il voulait vendre la maison et la terre tout autour ! Le papé s'était mis en colère ce jour là.

« Quoi ! Vendre la maison qui m'a vu naître ! Jamais de mon vivant! » s'était-il écrié en tapant si fort du poing sur la table que tout en avait été tourneboulé. Croquerat, le vieux chat tout pelé qui paraissait sur le banc s'était sauvé d'un bond, les cigales, les grillons s'étaient tus et puis quand le papé s'était calmé, la vie avait repris son cours.

Le vieil homme arrive dans la cour ombragée par le châtaigner centenaire qui déploie ses larges branches au-dessus d'une table délavée par le temps.
Le papé quitte le béret, s'installe dans son fauteuil en osier et s’enivre des effluves de son petit jardin de plantes aromatiques.
Il sourit, c'est le petiot qui lui a fabriqué un grand bac sur pieds pour qu'il puisse planter quelques pieds de romarin, de thym, de persil et de serpolet sans avoir trop besoin de se pencher.

Il ferme les yeux, songe au civet qu'il va préparer et déguster avec le petiot demain.
Il écoute un instant chanter sa terre et s'endort bienheureux.

ANELYNE